Bonjour à toutes et tous !
Pour ce nouvel article, j'ai décidé de vous parler d'un sujet qui, en quelque sorte, m'a conditionnée dans mon projet des coutures de Noémie. C'est un constat qui a guidé mon engagement. Je vous parlerai donc du devenir de nos textiles une fois que l'on s'en sépare.
L'industrie textile est l'une des industries les plus polluantes de la planète, c'est un bilan qu'il est difficile d'ignorer (environ 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, 9% de la pollution en micro-plastiques de l'océan, 93 milliards de m3 d'eau utilisés par an) et éthiquement discutable (conditions de travail, pollution des sols par les pesticides, exploitation de ressources non renouvelables comme le pétrole,...). Mais en découvrant, en plus, ce que deviennent les vêtements mis au rebut, l'aventure de l'économie circulaire du textile a commencé pour moi.
En fait, les déchets textiles sont un immense commerce où les vêtements, estimés comme invendables chez nous, sont exportés pour être « réutilisés » (oui les guillemets sont importants, vous verrez) dans d'autres pays, d'Asie, d'Afrique ou encore d'Amérique du Sud. Les principaux pays exportateurs sont les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Corée du Sud.
Pour exemple, le Chili, qui depuis une quarantaine d'année importe du commerce de seconde main, (le pays réceptionne 59000 tonnes de vêtements par an) commence à, littéralement, crouler sous ces déchets. La montagne de textiles du désert d'Atacama est même visible depuis l'espace (photo satellite Skyfi). La surconsommation et la surproduction textile, de plus en plus présentes, permettent cette accumulation détonante. De fait, en moyenne une personne achète 40% plus de textiles qu'il y a 15 ans et la production mondiale a doublé en 15 ans. En France, c'est principalement vers des pays d'Afrique que les vêtements destinés à être réhabilités sont envoyés. Notamment le Ghana, qui possède lui aussi sa (sublime 😞) montagne de déchets textiles. Alors, oui, les habits en bon (ou relativement bon) état sont remis sur pied et revendus en seconde main dans ces pays, mais au moins 40% des vêtements sont tellement inutilisables (sans valeur marchande, de trop mauvaise qualité, abîmés et/ou souillés...) qu'ils sont placés dans les décharges à ciel ouvert (photo ci-dessous : déchets textiles à Nairobi).

Ces décharges se situent, pour beaucoup, à proximité de la mer ou de rivières, près d'habitations et deviennent donc un risque sanitaire et écologique. De fait, elles produisent des gaz et rejettent des produits toxiques de part l'incinération ou la décomposition des textiles.

Les chiffres du graphique sont à prendre avec des pincettes, car comme vous l'avez compris, dans la partie vêtements « réutilisés » on trouve aussi les vêtements envoyés dans d'autres pays. Par exemple, le Relais (principale borne de récupération textile en France) revendrait 6% des vêtements localement en seconde main et exporterait 55% des textiles.
Bien sûr, les bornes de dépôt des textiles, les ressourceries, les organisations caritatives, la revente de seconde main sont un premier pas important vers la diminution de déchets de vêtements. Cette abondance de vêtements de seconde main a même quelques avantages :
- installation de systèmes de recyclage
- potentielles créations d'emploi
- développement de compétences
- production de nouveaux vêtements à moindre coût et sans création polluante de nouveaux tissus...
Mais cela est loin d'être parfait. De plus, avec la diminution de la qualité des vêtements (liée notamment à la fast fashion*), de moins en moins de ces textiles peuvent être revendus. Les conséquences dans les pays importateurs de seconde main, liées à la présence et la décomposition des textiles sont les suivantes :

- obstruction des cours d'eau et systèmes de drainage
- inondations
- émission de gaz à effet de serre
- émission de gaz toxiques
- accroissement de la pauvreté
- entrave du développement
- pollution de l'air et des nappes phréatiques
- paysage dégradé.
Alors quelles solutions pour limiter cette pollution ?
- L'ONU, réclame des textiles durables, le développement du commerce circulaire et préconise de réglementer l'exportation de produits d'occasion vers les pays du Sud.
- Le principe de pollueur-payeur, permettrait d'aider les pays gérant la fin de vie des vêtements. Les entreprises importatrices devraient ainsi prendre en charge les textiles et faciliter leur recyclage.
- Favoriser l'upcycling* ou encore recycler intégralement le produit permet d'allonger sa durée de vie et d'utiliser des ressources déjà existantes. C'est le principe de l'économie circulaire. Certaines fibres sont, par exemple, remplacées par des fibres recyclées, certains tissus sont réutilisés dans d'autres fonctions (chiffons, BTP en renforçant par exemple le béton ou les sols, ou en isolation...) ou pour créer d'autres produits.
- Différentes techniques de production de textiles moins polluantes commencent à voir le jour mais aucune n'est idéale.
- Il est également intéressant d'éduquer et faire de la prévention en multipliant les interventions, en augmentant les poubelles de tri et les bornes, en créant des usines de recyclage qui ont à cœur le respect de l'environnement...
- Les grandes marques commencent à récupérer les vêtements de seconde main, mais aujourd'hui, cela reste une stratégie marketing trompeuse (seul 1% des vêtements sont réutilisés alors que chaque année la production de vêtements augmente de près de 3%).
Côté Union Européenne, des projets de loi voient le jour :
- plan visant à interdire ou limiter l'exportation de déchets textiles
- promouvoir les vêtements durables et réparables
- contraindre le secteur de l'habillement à participer financièrement au tri et au recyclage textile.
- obliger les grandes entreprises à justifier leur volume de produits mis au rebut.
La France a légiféré contre la mode éphémère en préconisant un malus aux entreprises avec un score environnemental élevé et en souhaitant interdire les publicités liées à la fast fashion*. De plus, l'Agec (loi antigaspillage pour une économie circulaire) a interdit en 2022 la destruction de vêtements neufs invendus (et tous produits non alimentaires).
En conclusion, que faire à notre petite échelle ?
Comme vous pouvez le constater, lorsque l'on dépose nos vêtements usagés en conteneur ou autre association caritative, seule une petite quantité sera vraiment revendue, ou au moins recyclée. Alors, bien sûr, c'est déjà une bonne chose :

- Déposer les textiles dans les bornes telles que Le Relais ou ASTA, qui récoltent également les vêtements abîmés (mais non souillés)
- aux associations comme Emmaüs, la Croix rouge ou le Secours Populaire,
- mais aussi dans les friperies, les ressourceries ou les recycleries est une démarche importante.
- L'idée peut également être de vendre soi-même ses vêtements sur des sites de seconde main ou les foires au grenier...
- Les solutions parfaites n'existent pas. Mais limiter et/ou diminuer sa consommation de vêtements et laisser plus de place à l'upcycling* et l'économie circulaire est une étape primordiale pour la réduction des déchets.
Voilà, c'est donc en grande partie pour ces raisons que j'ai souhaité créer Les coutures de Noémie. Le chemin est encore long vers des démarches durables et responsables à grande échelle, dans l'industrie textile bien que des solutions essaient de germer.
J'espère que cet article vous a intéressé, je serais ravie d'en discuter avec vous en commentaire et de connaître vos astuces !
Noémie
< Sur la boutique, je vous propose d'ailleurs de m'envoyer certains de vos tissus/vêtements, dont vous ne vous servez plus, pour les upcycler. Les explications sont disponibles dans la rubrique sur commande. >
*Fast fashion : mode éphémère. Production de vêtements très rapide, avec des nouvelles collections très souvent, de mauvaise qualité et à moindre coût.
*Upcycling : surcyclage. Action de récupérer des objets, tissus, vêtements dont on ne se sert plus et de les revaloriser / transformer en fabriquant des produits de qualité ou d'utilité supérieure.
sources :
https://www.geo.fr/environnement/chili-desert-atacama-montagnes-vetements-fringues-usages-visibles-depuis-espace-fast-fashion-215072 ; https://www.novethic.fr/actualite/environnement/pollution/isr-rse/pollution-textile-au-chili-une-decharge-de-vetements-visible-depuis-l-espace-151559.html ; https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/ https://policycommons.net/artifacts/2391223/9f50d3de-greenpeace-germany-poisoned-fast-fashion-briefing-factsheet-april-2022/3412665/ ; https://www.greenpeace.fr/reportage-lafrique-depotoir-de-la-fast-fashion/ ; https://lesjoyeuxrecycleurs.com/des-chouettes-idees-vertes/recyclage-textile/ ; https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/dechets-textiles-envoyes-en-afrique-le-ministre-de-lindustrie-pret-a-travailler-sur-le-probleme-de-la-fast-fashion https:/ www.zerowastefrance.org/loi-sur-limpact-environnemental-du-textile-un-premier-pas-historique-pour-en-decoudre-avec-la-fast-fashion/ ; https://www.liberation.fr/environnement/pollution/pollution-lunion-europeenne-interdit-la-destruction-de-la-tres-grande-majorite-des-vetements-neuf-invendus-20231205_MD5HW47CMNAFLDXD2D5WHCFUOM/ ; https://www.lerelais.org/ ; https://www.asta14.com/collecte-et-valorisation-textile/ ; Sumo, P. D. (2024). TEXTILE WASTE MANAGEMENT AND RECYCLING OPPORTUNITIES AND CHALLENGES FOR AFRICA: A MINI-REVIEW. The holistic approach to environment, 14(2), 57-70 ; Acquaye, R., Seidu, R. K., Eghan, B., & Fobiri, G. K. (2023). Consumer attitude and disposal behaviour to second-hand clothing in Ghana. Scientific African, 21, e01887.